L'Alsace Texte et photos : Romain Gascon
Trier, c’est responsable. Récupérer, c’est rendre à l’individu son rôle d’acteur. Le message porté par les participants au Salon de la récupération organisé hier à Vieux-Thann a séduit un public nombreux et enthousiaste : 2 000 visiteurs étaient à cette première édition.
Dès l’ouverture, à 10 h, les visiteurs étaient nombreux. Mais le terme « visiteur » est sans doute inadéquat, car le recyclage inscrit l’individu dans une démarche globale, qui lui propose de redevenir acteur. Le café-réparation, dans le cadre duquel des bénévoles de l’association Open fab', basée à Mulhouse, accompagnaient à la réparation d’objets apportés, résume cet esprit. Daniel, membre de l’association, explique l’enjeu : « C’est le principe du fab’lab. L’idée n’est pas seulement de réparer. On peut aller jusqu’à la fabrication : détruire et reconstruire un objet, c’est-à-dire sortir d’une économie linéaire et entrer dans une économie circulaire concrète. En mutualisant les moyens, c’est à la portée de tout le monde. On bascule du consommateur au consom’mateur, qui hacke les objets pour les adapter à ses besoins, les améliorer. C’est aussi une manière d’influencer les fabricants : nous voulons de la qualité. Mine de rien, nous y sensibilisons les gens. »
Faire du durable avec du jetable
Bien sûr, sur cet événement temporaire, la réparation constituait un objectif déjà satisfaisant. Tout y est passé : manette de Playstation, tourne-disque, cafetière… Maryse était venue de Saint-Louis pour faire diagnostiquer son pétrisseur à pain : « J’en ai assez du prétexte de l’obsolescence programmée. Ici, j’ai confiance. Nous avons démonté ensemble l’appareil et identifié la panne. Je ne peux pas le faire réparer maintenant, mais on ne pourra pas me raconter de salades quand je l’emmènerai en boutique. »
Qu’ils soient exposants professionnels ou bénévoles, animateurs d’ateliers, tous en sont convaincus : « Faire du durable avec du jetable, c’est possible », affirme la créatrice de Carton feel free, un atelier de fabrication de meubles en carton. « C’est possible, solide, réparable, redécorable », ajoute-t-elle. Et tout le monde en est capable. Charlotte Lelong, de Willer-sur-Thur, qui participait au salon pour prendre la température avant de décider si elle lancera des ateliers de bricolage à domicile sous le nom La palette d’Art’Thur, témoigne, encore surprise : « On a cherché à m’acheter des produits de démonstration, mais je ne cherche pas à vendre ! On m’a rétorqué : « mais je ne saurais pas faire ça ! » Ça me conforte dans mon projet. »
Ateliers de fabrication
Pour prouver que la récupération et la fabrication sont à la portée de tous les consom’acteurs, des ateliers étaient proposés aux adultes et aux enfants, tout au long de la journée : mosaïques, bijoux, étagères, cuisine de restes, vélo, doudous… Amandine Lebert, tout récemment installée à Storckensohn, pratique la glane et la récupération pour fabriquer des bijoux. Elle a encadré la fabrication de petite maroquinerie, pour fabriquer des pochettes : « Nous travaillons avec des patrons et nous réinvestissons des techniques de cordonnerie sur d’autres matériaux (de la chambre à air). » Et effectivement, en mutualisant les moyens, encadrés par des animateurs compétents, les résultats sont convaincants.
Icare, le chantier d’insertion par le maraîchage bio de Sentheim, proposait en plus de son activité traditionnelle de vente de légumes, une démonstration de fabrication de condiments à partir de fanes. L’association pratique une gestion fine pour réduire les pertes à zéro. Lucile Zwingelstein, l’animatrice de l’atelier, explique : « Avec le bon sens paysan, on y arrive. Ce qui n’est pas mis dans les paniers est vendu sur les marchés, sert à préparer les déjeuners pour les employés, est distribué aux salariés et aux partenaires. Et ce qui est défraîchi va au compost. » Pour atteindre plus facilement ses objectifs de réduction des déchets, l’association compte sur les abonnements aux paniers, qui lui offrent plus de visibilité, et appelle en ce sens les consommateurs locaux. Acteur de bout en bout : en consommant juste et en fabriquant soi-même !