jeudi, 28 septembre 2017 12:16

La FFC dit oui à « l’acceptation pleine et entière du VTT électrique »

 

 
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Olivier Béart signe l'article dans Vojo Mag
Co-fondateur de Vojo Mag, journaliste et photographe professionnel dans le monde du VTT depuis plus de 10 ans, Olivier Béart est passionné de matériel et de technique. Amateur de marathons, d'enduro et de raids multi-sports, il a mis à l'épreuve plus de 200 vélos et près d'un millier d'accessoires... et ce n'est pas fini!
 

Les esprits s’échauffaient depuis quelques jours. Entre Fédération française de moto (FFM) et Fédération française du cycle (FFC), l’avenir du vélo électrique balançait. Contacté en milieu de journée, Éric Jacoté, vice-président de la FCC et responsable de la partie VTT, sortait tout juste d’un entretien téléphonique avec David Lappartient, le nouveau président de l’UCI. Et son verdict est désormais sans appel : « L’UCI nous a donné son feu vert pour intégrer pleinement la gestion du vélo électrique au sein de notre fédération. »

Il y avait urgence à clarifier la situation. Parce que depuis l’annonce en 2015 du désormais ex-président de l’Union cycliste internationale (UCI) Brian Cookson, le vélo à assistance électrique évoluait en zone grise. Dans la bouche de l’Anglais, on avait en effet pu entendre que « la propulsion du vélo […] doit toujours résulter de l’activité humaine et non d’une forme motorisée. Les vélos à assistance électrique peuvent à certains égards être considérés comme des cyclomoteurs, ils devraient tomber sous l’égide de la FIM (Fédération internationale de motocyclisme). »

Parce que, aussi, l’univers produit du vélo à assistance électrique (VAE) est vaste. Entre les VAE limités à 25 km/h, les speedelecs qui peuvent jusqu’à 45 km/h (et tombent sous la législation des cyclomoteurs légers, donc doivent justifier d’une carte grise et emprunter les routes ouvertes à la circulation et les sentiers cadastrés), ceux mus par des gâchettes (non-homologués, donc bannis de l’espace public et réservés aux terrains privés) ou ceux dont le moteur s’actionne par pédalage, il y a de quoi y perdre son cycliste ! Sauf que l’enjeu est d’importance. Car derrière le simple fait de savoir quelle fédération (cycle ou moto) allait gérer le VAE se jouent de lourds impacts industriels et sportifs, liés à l’explosion du marché sur ce secteur.

La tenue du prochain 1er Open de France de VTT-AE, qui se déroulera à Tence (43) le 15 octobre, a cristallisé les tensions, et peut-être précipité les choses. Car ce dernier est en effet organisé par la Fédération française de… motocyclisme (FFM) et y annonce notamment trois spéciales chronométrées « typées “moto” ». Ce qui semblait un peu plus entériner le fait que le VAE allait être pris en charge par la FFM. Laquelle ne cachait d’ailleurs pas son intérêt pour le secteur. « Cette volonté procède d’un réel intérêt technologique et sportif de la part de la Fédération, explique Frédéric Lambert, responsable management au sein de l’entité moto, et parce que 2 roues, un guidon, une selle et une propulsion assistée, c’est dans l’ADN de la FFM, une évidence en quelque sorte. » À la demande de Jacques Bolle, président de la Fédération française de moto et juriste certifié, cet été, cet enduriste moto et vélo, récent adhérent à la Mountain Bikers Foundation, donc a mené un audit sportif, technique, commercial et technologique de l’activité vélo électrique. Une commande inédite, et qui « part d’une démarche sincère », précise Fred Lambert.

Il manque cette structuration nécessaire au développement sportif d’une discipline liée au vélo électrique

« Le point de départ a été mon déplacement au salon du Véhicule Hybride de Val-d’Isère, se souvient ce dernier. J’y ai consulté beaucoup de personnes, dont les 3/trois quarts m’ont fourni des éléments très enrichissants. J’ai rendu un bilan de ces rencontres très positif à ma direction. Cet audit a bien avancé, et après un point d’étape récent, il a confirmé qu’il manque cette structuration nécessaire au développement sportif d’une discipline. Ma direction a donc souhaité aller concrètement plus loin en me demandant d’aider une structure à l’organisation d’un format adapté. Cyril Bayle (Horizon 3000 à Tence 43) s’y est collé, et notre format sera effectivement novateur. Les bilans de cette épreuve (y compris le bilan dégradation) feront partie de l’audit. »

Reste que voir la FFM organiser une épreuve de VTTAE pouvait sembler incongru. C’est ainsi que l’a perçu Fred Glo, boss de Tribe Sort Group et cofondateur des Enduro World Series, qui travaille actuellement sur une insertion du VTTAE dans le cadre des EWS : « Quand j’ai entendu parler de cet Open de France, j’étais incrédule, ça m’a semblé délirant. Le plus grand succès du VTTAE repose sur son large terrain de jeu, identique à celui du VTT classique, et contrairement à celui de la moto tout-terrain. Cet accès aux nombreux sentiers , c’est précieux. Il ne faut surtout pas le perdre, car si le sport vélo électrique passe sous l’égide de la fédé moto, un amalgame sera fait, on risque fortement d’aller vers les mêmes contraintes, les mêmes restrictions que la moto tout-terrain, à savoir devoir se contenter des pistes 4×4 où une Clio passe. Je ne remets pas en cause le travail réalisé par la FFM, qui assure d’ailleurs un boulot dingue, en rachetant des terrains de motocross, par exemple, et en se levant véritablement le cul pour préserver la pratique de la moto. Mais si on cumule les pratiquants moto enduro, trial et cross, ça représente quoi ?  C’est aujourd’hui en tous cas seulement 10 000 motos neuves vendues par an. Une niche, et on risque d’y faire tomber le VTTAE. Ça sera également un signe fort pour tous les détracteurs du VTT, qui pourront s’appuyer sur ce rapprochement fédéral moto/VAE pour limiter la pratique. Et ,sur le fond, le VTTAE de 250W qui va à 25 km/h est bien un velo , pas une moto. Seuls ceux qui ne savent pas de quoi ils parlent font une confusion. Donc à la FFM la moto; et à la FFC le vélo. Cette situation n’aurait jamais dû se présenter. »

Si demain, le VTTAE est géré par la moto, on est morts !

Une alarme que partageait quelques jours plus tôt George Edwards, instigateur des premières épreuves d’ebike voilà six ans et à la tête du championnat des E-Bikes Series : « Si demain, le VTTAE est géré par la moto, on est morts ! Déjà que le simple VTT, qui a pourtant une image de sport nature, pratiqué par des gens sensibles à l’environnement, est parfois borderline auprès des officines de gestion des espaces naturels et des propriétaires pour les demandes d’autorisation de passage lors des épreuves, mais si on rapproche VTTAE et moto, c’est fini. Il est impératif que la fédé de cyclisme fasse une “OPA” sur cette famille cycliste. Parce que ça reste du vélo ! »

Cette vision alarmiste d’une partie du monde du vélo, Frédéric Lambert dit ne pas l’avoir rencontrée durant son audit : « J’échange beaucoup et “le monde du vélo” est plutôt favorable à l’arrivée de la FFM dans les débats. » Un bon œil que l’on pourrait attribuer à l’intense action de préservation de la pratique opérée par la Fédération moto, tandis que dans le vélo, celle-ci émane plutôt de structures associatives, type Mountain Bikers Foundation qui, pour pertinentes qu’elles soient, souffrent de moyens insuffisants. “Qui va gérer la partie sportive du VTTAE ? Aujourd’hui, personne ne le sait, mais nous sommes ouverts aux échanges, pour l’intérêt des pratiques sportives motorisés. Et les réticences devraient être considérées, si elles étaient avérées. »

De son côté, la FFC semble avoir pris pleinement conscience de l’importance du moment. Car depuis ce matin, elle peut officiellement donner une position tranchée : oui, elle souhaite gérer le vélo à assistance électrique. Ce qui l’en empêchait jusqu’ici ? La vision (très issue du milieu de la route) que le VAE soit une forme de « dopage technologique » ; une forme de triche contre laquelle David Lappartient, le nouveau président de l’instance internationale, entend bien lutter. Mais il fait désormais ouvertement la part des choses, laissant ainsi la possibilité à la fédération française de cyclisme de candidater pour la gestion du VAE.

« Nous avons déposé une demande de délégation pour les composantes du sport loisir et santé en vélo à assistance électrique, précise M. Jacoté. La Fédération française de moto l’a fait également de son côté, mais pour l’heure, rien n’est tranché par le Ministère. Nous ne devons pas laisser passer ce train. D’autant que nous avons le soutien des industriels et des associations type Moniteurs cyclistes de France, Mountain Bikers Foundation – que nous allons réunir lors de tables rondes afin de définir le cadre législatif et réglementaire exact de ces compétitions, qui nous permettra peut-être, pourquoi pas ? d’envisager un championnat de France de VTTAE dès 2018 –, mais aussi, désormais, de l’UCI, qui accepte le principe de compétition en VTTAE – pour l’instant, il reste un veto sur la problématique des courses sur route en VAE, car cela reste assimilé à de la tricherie – et va faire un courrier en ce sens, afin de se montrer plus conquérante sur ce dossier. Car dès qu’on pédale pour avancer, on reste dans la définition réglementaire du vélo. »

Une conférence de presse dédiée à ce sujet et organisée par la Mountain Bikers Foundation se tiendra au Roc, le 5 octobre. La FFC a prévu d’y officialiser sa position et de préciser sa vision à cette occasion. Vojo y sera bien entendu présent et suit ce dossier de près.

Enquête réalisée par Elodie Lantelme

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