Directeur mobilités et transports à Mulhouse Alsace Agglomération, Christophe Wolf dresse le bilan du « compte mobilité », lancé il y a trois ans. Un dispositif qui a pour ambition de faire évoluer les comportements vers des modes de transports plus durables et plus verts mais également de faciliter les déplacements des plus vulnérables.
LMI : L’agglomération alsacienne a lancé en 2018, le « Compte mobilité », une première en Europe. De quoi s’agit-il ?
Christophe Wolf. Le compte mobilité est une application qui permet aux utilisateurs d’accéder à l’ensemble des possibilités de mobilités, bus, vélos, voitures en auto-partage, sur l’ensemble de l’agglomération à partir d’une interface unique. En téléchargeant l’application, vous pouvez monter dans un bus, décrocher un vélo pour une journée, une semaine ou une année, vous pouvez vous garer dans un parking sécurisé géré par l’agglomération avec des barrières à l’entrée et à la sortie, ou enfin réserver votre voiture auto-partagée. Chacun peut choisir autant de services qu’il souhaite :transports en commun, vélos en libre-service, location, parkings et voitures en libre-service. Notre objectif étant de s’adresser à un plus grand nombre d’usagers qui habitent et /ou travaillent dans l’agglomération et plus récemment les touristes. Et c’est tout l’enjeu du compte mobilité qui simplifie considérablement l’accès aux différents modes de transports. Concernant la consommation, à chaque trajet, chaque stationnement, ou chaque location de véhicule, les utilisateurs se déclarent sur l’application et bénéficient alors du meilleur prix possible au moment de l’achat. Ce n’est qu’à la fin du mois que le paiement sera effectué. La facture moyenne tourne autour de 10 euros. Sur son Compte mobilité, il est aussi possible de suivre ses consommations de déplacements en temps réel, voire de planifier un budget spécifique et recevoir des alertes lorsqu’elles dépassent le plafond prévu. Ces fonctions ont été suggérées par les usagers eux-mêmes, qui, dès 2016, ont été associés à la réflexion à travers des tables rondes organisées dans toute l’agglomération. Une fois mis au point, avant d’être lancé auprès du grand public, le Compte mobilité a même été testé par une cinquantaine de personnes pendant six mois. Et dans les prochains mois, d’autres offres sont appelées à enrichir le Compte mobilité : les taxis, les bornes de recharge électrique en cours d’installation dans la ville ou encore le paiement du stationnement.
Quel premier bilan tirez-vous deux ans après ?
C.W. Aujourd’hui, nous comptabilisons 8 000 utilisateurs. Nous nous étions fixés un objectif ambitieux de 10 000 usagers. Même si la crise sanitaire et notamment les confinements ont quelque peu ralenti la demande, on peut dire que les objectifs sont quasiment atteints. Toute la démarche consiste à lever les barrières d’accès aux services de déplacement comme la voiture-partagée, ou le vélo en libre-service, qui sont à eux seuls compliqués d’utilisation pour une grande partie de la population. Nous espérons aussi orienter les gens vers une mobilité plus durable et provoquer des changements de comportements plus vertueux, notamment pour ceux qui habitent en centre-ville, même si l’idée n’est pas d’opposer l’ensemble de ces services à la voiture individuelle. Nous sommes conscients que ce couteau suisse que l’on propose, s’il simplifie la démarche des usagers, ne peut révolutionner du jour au lendemain leurs habitudes de transport. Il nous faut persévérer dans notre démarche volontaire. Si, comme je le disais, nous comptabilisons 8 000 utilisateurs, nous enregistrons environ 500 usages par jour pour les transports urbains, 500 pour les vélos en libre-service, alors que la voiture partagée n’a pas totalement rencontré son public. Mais nous enregistrons tout de même 400 abonnés. Ce qui a permis à notre partenaire de multiplier le nombre de stations et de nouveaux véhicules. Mais, force et de constater que les nouveaux usages ne sont pas réguliers.
Est-ce que la crise sanitaire a rebattu les cartes en matière de comportement des usagers ?
C.W. D’une manière générale, oui. On constate à Mulhouse une forte baisse de fréquentation dans les transports urbains, de l’ordre de 20 à 30 %. Ce qui est très inquiétant, car ce manque à gagner impacte notre politique de mobilités sur le territoire. Pour y faire face, nous avons engagé avec le Conseil de Développement, une réflexion à moyen et long terme sur la politique de mobilités. Sur la base de ses conclusions, nous ouvrirons un Grenelle des Mobilités pour identifier les pistes de développement.
Le compte mobilité est-il accessible aux plus fragiles ?
C.W. Le compte mobilité, pour qu’il atteigne son objectif, à savoir faire évoluer les habitudes vers des comportements plus vertueux, doit séduire un maximum de personnes. Et pour cela, il faut que l’application soit simple et abordable surtout pour les plus vulnérables. Nous y travaillons sans relâche. La simplicité de l’application est un véritable atout. L’interface utilisateur intuitive séduit même les personnes âgées moins à l’aise avec la technologie. Pour ceux qui ne possèdent pas de smartphone, la collectivité a développé de nombreux dispositifs. Quant aux personnes en difficulté physique et sociale, nous continuons à proposer et développer de nombreuses solutions