En France, on aime le vélo, mais on ne le pratique pas... C'est le constat que fait encore aujourd'hui la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), qui tient son congrès national à Montpellier du 1er au 4 juillet. L'Hexagone n'est pas bon élève en la matière, avec un peu moins de 2% de vélo-taffeurs, comme on appelle ces salariés qui partent travailler à vélo, soit quelque 500.000 personnes (selon les derniers chiffres connus de 2017).
Pour inverser cette tendance, la FUB lance ce 1er juillet son programme Objectif Employeur Pro-Vélo. Financé par le dispositif des Certificats d'économie d'énergie jusqu'à décembre 2023, il vise à inciter les employeurs publics, privés et associatifs à déployer une véritable culture vélo dans leurs établissements afin d'obtenir le label Employeur Pro-Vélo et ainsi multiplié le nombre de salariés utilisant leur vélo pour venir travailler.
« Un enjeu de société qui n'est pas réservé à une poignée d'activistes »
« L'année 2020 a été exceptionnelle, on a gagné cinq à dix ans, selon où on est sur le territoire en France, et le vélo a été re-légitimé comme mode de transport du quotidien, observe Olivier Schneider, président de la FUB, en préambule du congrès. Ce n'était donc pas une utopie... Les acteurs travaillent ensemble depuis longtemps et ont pu réaliser des aménagements temporaires dès fin avril début mai 2020. Est-ce juste un feu de paille, une mode ? Non, c'est une lame de fond, même si on reste sur une pratique encore faible du vélo par rapport au potentiel. Maintenant que cette appétence est avérée, il faut transformer l'essai. On a vu, durant les campagnes des élections régionales et départementales, que les décideurs avaient compris que le vélo est un élément de programme indispensable. Ce sera un des enjeux de 2022 et au-delà. Mais aujourd'hui, il faut que le vélo sorte de la cible facile des "bobos" de centre-ville et qu'on s'adresse aussi aux zones rurales ou périurbaines, aux quartiers politique de la ville. »
Nicolas Le Moigne, président de Vélocité Grand Montpellier, confirme l'engagement des collectivités dont les politiques publiques progressent dans le sens d'une plus grande place faite aux cyclistes dans la ville : « A Montpellier, Michaël Delafosse a mis en place une aide à l'achat d'un vélo électrique, il affiche la volonté de ne pas revenir en arrière sur les aménagements transitoires, et on observe une modification en cours des plans de circulation... Dans le baromètre de la cyclabilité de la ville, Montpellier avait du retard mais la ville a été distinguée pour la meilleure progression... La population est prête aux changements à Montpellier, et depuis la crise Covid, ça s'accélère. Le vélo a besoin d'une véritable programmation, et non d'une politique cyclable sparadrap ! Aujourd'hui, c'est un véritable enjeu de société qui n'est pas réservé à une poignée d'activistes ».
Un trou dans la raquette
Sensibiliser les employeurs sera ardu. Car comme le rappelle Olivier Schneider, « les employeurs n'étaient les plus favorables au vélo »... Pourquoi ?
« Souvent, en raison de la crainte du danger donc il faut casser cette image qui est fausse, répond Annie-Claude Thiolat, vice-présidente de la FUB. Il y aussi la question du temps : il faut convaincre l'employeur qu'il faut investir ce temps d'information et sensibilisation auprès de ses salariés. Le Fonds de mobilité durable (forfait prévu par la loi d'orientation des mobilités du 24 décembre 2019 afin d'encourager le recours à des modes de transports alternatifs et durables, NDLR) sera obligatoire, un dispositif que les employeurs connaissent très mal. »
C'est en 2019 que la FUB, avec notamment l'appui de l'ADEME, a décidé de créer un label pour valoriser les employeurs qui promeuvent la solution vélo auprès de leurs collaborateurs et de leurs clients. L'année 2020 a été consacrée à une phase d'expérimentation du projet de référentiel d'actions « Pro Vélo » auprès d'une quarantaine d'employeurs bêta-testeurs. Cette phase a donné lieu à la création d'outils à destination des employeurs qui s'engageront dans la démarche : le référentiel récapitulant les différents critères de labellisation, un livre blanc qui servira de guide pratique, et un programme visant à accompagner financièrement et techniquement les employeurs volontaires.
« Il y a un trou dans la raquette dans les entreprises où on passe quarante années de notre vie !, souligne Annie-Claude Thiolat. Il existe déjà, au niveau européen, le label "Cycle Friendly Employer", qui est très exigeant au regard de la petite culture vélo qu'on a en France chez les employeurs... Avec l'aide de l'ADEME, nous avons réuni des entreprises et des cabinets conseil pour adapter ce référentiel aux habitudes françaises. Il y a tellement peu de culture vélo que beaucoup pensent bien faire quand ils ont installé des parkings à vélo ! La marge de progression est importante... »
« Mieux réveillés, plus performants, moins malades »
Après s'être inscrit sur la plateforme du programme, qui sera opérationnelle en septembre, l'employeur réalisera un autodiagnostic en ligne pour évaluer le niveau de maturité en matière de politiques cyclables dans son établissement. Une réunion de cadrage avec un expert l'orientera sur des axes d'améliorations, et il pourra alors sélectionner, dans le catalogue proposé par le programme, les services et équipements à mettre en place (services éducatifs mobilités, équipements, services techniques, prestations de conseil). Au terme de sa démarche, un audit évaluera le niveau de labellisation obtenu (bronze, argent ou or) et l'employeur rejoindra alors la communauté des employeurs pro-vélo.
Annie-Claude Thiolat liste les avantages : « Les vélo-taffeurs sont mieux réveillés, plus performants, moins malades, et l'employeur va faire des économies sur ses places de parking et développer une image lui permettant d'être plus séduisant pour attirer de jeunes talents ».
Objectifs fixés par la FUB : 4.500 employeurs labellisés et 500.000 salariés sensibilisés, et 25.000 emplacements vélo cofinancés d'ici fin 2023.
Le budget de ce programme Objectif Employeur Pro-Vélo est de 40 millions d'euros jusqu'à fin 2023, soit 80 millions d'euros au total puisqu'il prendra en charge environ la moitié des investissements consentis par les entreprises. Celles-ci bénéficieront en effet de remboursement à hauteur de 60% pour les services conseil et de 40% sur le volet technique, avec des enveloppes plafonnées à 4.000 euros pour les entreprises de moins de 50 salariés, 6.000 euros pour celles de moins de 250 salariés, et de 8.000 euros pour celles de plus de 250 salariés. Le label perdurera au-delà de 2023 mais ne sera plus financé.