Restitution de la journée d’étude du 18 janvier 2024, Chambéry
Alors que la plupart des métropoles s’activent pour développer des réseaux cyclables structurants, que certains territoires peu denses deviennent des « démonstrateurs cyclables », la « France des préfectures et des sous-préfectures » se mobilise également pour concevoir la solution vélo de demain. Rassemblé.es à Chambéry le 18 janvier 2024, plus de 60 représentant.es d’associations et de collectivités ont échangé autour de la transposition du concept de réseau express vélo hors des grandes métropoles.
Cette journée d’étude s’est tenue à l’initiative de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), de l’Académie des mobilités actives (ADMA) et de l’association de promotion du vélo savoyarde, Roue Libre. Elle a été ponctuée des interventions de l’association de Villes de France, du CEREMA et des retours d’expériences des métropoles de Rennes et de Clermont-Ferrand. Cet article en restitue les principales conclusions.
Une solution efficace dans les territoires de taille intermédiaire pour garantir la sécurité des cyclistes : le réseau express vélo
La « France des préfectures et des sous-préfectures » se distingue des grandes métropoles par une forte attractivité de la voiture et par un usage relativement faible des transports collectifs, souligne Armand Pinoteau, directeur administratif de l’association de collectivités Villes de France. Pour autant, le potentiel vélo y est tout aussi important, constate l’association à l’initiative d’une étude sur le vélo et les villes moyennes, notamment sur les trajets de cinq kilomètres, voire plus, si on prend en considération le développement des vélos à assistance électrique.
Pour activer ce potentiel vélo, la prise en compte des besoins des cyclistes est indispensable, à commencer par la mise en place d’infrastructures cyclables sécurisées. Mais contrairement à leurs homologues métropolitains, les territoires de taille intermédiaire sont confrontés à plusieurs enjeux : l’éclatement des compétences territoriales, notamment en matière de voirie, une fiscalité locale plus fragile que dans les grands territoires et une rentabilité moins importante des investissements dans le transport collectif et les infrastructures.
Face à cet impératif de « faire mieux avec moins », le développement d’un réseau cyclable structurant apparaît comme une opportunité pour les territoires situés hors des grandes métropoles. Il permet d’offrir une solution de mobilités alternatives à moindre coût pour les usagers, comme pour la collectivité.
Les besoins des cyclistes pas si différents que dans les territoires métropolitains
Les participant.es à la journée de l’étude ont pu définir, au travers d’un jeu de rôle animé par l’ADMA, ce à quoi le terme de « besoin cyclable » renvoie. Sans surprise, la continuité cyclable du territoire, la limitation de la vitesse et du trafic motorisé, ainsi que l’installation de stationnement vélo sont ressortis comme des éléments déterminants. Il a été aussi question de confort des trajets, en lien avec la largeur des aménagements et les agréments possibles. On retiendra également que les participant.es ont intégré dans le besoin des cyclistes la bonne cohabitation avec les piéton.nes, notamment aux abords des traversées.
Qu’est-ce qu’un réseau express vélo ?
Un réseau express vélo (REV) est avant tout un réseau continu d’infrastructures cyclables permettant des trajets à vélo, sans coupures et sans détours. Les « lignes » d’un réseau express vélo relient les points principaux d’un territoire, en offrant sécurité et confort aux cyclistes, quelles que soient leurs pratiques. Il dessert en combinaison avec le réseau cyclable secondaire des lieux d’intérêt du quotidien. Il se pense en convergence avec l’enjeu de la sécurité des itinéraires et des traversées pour les piéton.nes et les personnes à mobilité réduite.
L'exemple rennais : un REV aux 14 liaisons cyclables centre-périphérie
La métropole de Rennes a présenté lors de cette journée d’étude l’avancée de son réseau express vélo. À compter de 2025, quatorze nouvelles liaisons cyclables « express » relieront Rennes aux communes de sa première couronne, pour un linéaire total de 105 kilomètres, détaille Guillaume Porcher, chargé d’étude mobilité. Le REV représentera 20 % du réseau cyclable de l’agglomération et supportera 80 % de la fréquentation cycliste.
État d'avancement du réseau express vélo rennais en janvier 2024, intervention de Rennes Métropole
Assurer le confort et la sécurité des cyclistes en section et en intersection : les recommandations du CEREMA
Pour répondre aux besoins des usagers, un REV (appelé également « réseau cyclable à haut niveau de service ») doit être constitué d’aménagements cyclables sécurisés et confortables. On retiendra, selon le CEREMA, principalement les pistes mono ou bidirectionnelles (d’une largeur escomptée de 2,5 à 4 mètres respectivement) ainsi que la vélorue (à la condition que les flux automobiles de transit soient supprimés). Toute forme de mixité avec le trafic automobile doit être prohibée lorsque la vitesse autorisée est supérieure à 30 km / h.
Localement, les collectivités intervenantes adaptent ces principes aux contraintes de leur territoire pour accélérer le déploiement des aménagements, ou bien garantir systématiquement la continuité des linéaires cyclables (réduction du gabarit des aménagements, intégration d’autres aménagements : voie verte et bandes cyclables).
La qualité d’un réseau cyclable structurant dépend également de la conception de ses intersections. L’orthogonalisation des flux de véhicules, la réduction de la distance des franchissements et la transformation du plan de circulation permettent d’améliorer la co-visibilité et réduisent le danger en intersection pour les cyclistes. Pour les carrefours les plus importants, la mise en place de carrefours dit « îlots-amandes » est recommandée. La « priorité vélo » sur le trafic sécant peut être systématiquement recherchée, en fonction des conditions souhaitées de circulation locale.
Illustrations de caractéristiques transversales d'un réseau express vélo, intervention du CEREMA
Pour assurer le confort des cyclistes, plusieurs éléments de conceptions doivent se retrouver sur l’ensemble du réseau : des rayons de courbures en adéquation avec les vitesses pratiquées par les cyclistes et des séparateurs d’aménagements cyclables « pardonnants » (bordures chanfreinées).
Une nouvelle signalétique du « C.réseau » Clermontois
Afin d’accompagner l’émergence de son nouveau réseau cyclable structurant, baptisé « C.réseau », la métropole clermontoise a développé en 2023 une signalétique spécifique aux aménagements cyclables. Le cadre réglementaire ne prévoit pas de marquage d’animation, mais en pratique rien ne s’y oppose. Sans pour autant être indispensable dans un REV, elle renforce la visibilité des nouveaux aménagements tout en permettant une meilleure compréhension de l’espace public, souligne Simon Fessard, reponsable du pôle mobilités.
Signalétique et marquage horizontaux utilisés sur le réseau clermontois
Les clés du succès d’un réseau express vélo hors des grandes métropoles
Une politique cyclable intercommunale, coordonnée, financée et animée
Le périmètre d’un réseau cyclable structurant dépasse les frontières d’une commune. Ce projet d’infrastructure, pour être réalisé pleinement, doit être porté par une structure publique intercommunale, en associant l’ensemble des acteurs du territoire, dans une gouvernance unifiée. La réussite d’un projet de réseau cyclable nécessite l’implication des élu.es de la collectivité territoriale. L’activisme des élu.es permet de faire connaître le projet auprès des habitant.es et des autres élu.es du territoire. Autre impératif évoqué lors de cette journée : donner à la collectivité les moyens de son action. Cela passe par la structuration de services techniques et un budget dédié au projet.
À Clermont-Ferrand, le réseau cyclable structurant est l'un des ingrédients parmi d'autres d'une politique de mobilité alternatives
La réalisation d’un réseau cyclable structurant à Clermont-Ferrand s’inscrit dans un développement plus large de sa politique de mobilités actives à l’échelle de la métropole : schéma cyclable, « ville à 30 », piétonnisation et végétalisation. Parallèlement au projet vélo, la métropole a entrepris une refonte importante du plan de circulation, pour couper le trafic de transit automobile en son cœur et donner plus de place aux modes actifs et au développement d’un bus à haut niveau de service (BHNS). Ces réalisations simultanées demandent une très bonne coordination des services internes.
Vue du centre-ville de Clermont-Ferrand et des projets de mobilités en cours
Un dialogue avec les associations locales pour perfectionner et valoriser le projet de réseau cyclable
À Clermont-Ferrand comme à Rennes, les associations cyclistes locales jouent un rôle capital dans la conception des infrastructures et l’avancée des projets. Des réunions régulières entre les services techniques et les commissions aménagements des associations permettent de requestionner et d’améliorer les partis pris techniques tout au long du processus d’aménagement.
Plus largement, les associations de cyclistes peuvent promouvoir les réalisations et participer à la communication auprès du grand public, centrale pour réussir l’objectif d’augmentation de la part modale vélo.
Faire découvrir aux habitant.es, valoriser, inciter à la pratique
Parallèlement au développement des infrastructures, la mise en place d’une communication positive à destination des habitant.es est primordiale. Elle permet de faire découvrir le réseau cyclable et ses atouts (itinéraires nouvellement ouverts, temps de parcours « garantis », redécouverte du territoire, etc.) et permet d’inciter à l’expérimenter. Dans cette perspective, utiliser le témoignage des néo-cyclistes s’avère particulièrement mobilisateur.
Pour aller plus loin
Retrouvez l’ensemble des supports des interventions
Intervention de Villes de France : Lien du document
Lien de l’étude de Villes de France : Lien du document
Intervention du CEREMA : Lien du document
Intervention de Rennes Métropole : Lien du document
Intervention du Clermont Auvergne Métropole : Lien du document
Cette journée a été organisée grâce à l’implication de la Ville de Chambéry et Grand Chambéry, que nous remercions.
Axel Lambert
Chargé de plaidoyer